Audrey Guttman, I'll be your mirror : Ketabi Projects - 22, passage Dauphine 75006 Paris
Ketabi Projects présente la première exposition de l’artiste belge Audrey Guttman dans les murs de sa nouvelle galerie, située dans le quartier de Saint-Germain des Prés.
Depuis l’enfance, Audrey Guttman crée : écriture, peinture, dessin... Après des études de sciences politiques , de littérature et d’histoire de l’art, le collage lui est venu comme une évidence, comme l’aboutissement de son acte. En puisant dans des images qu’elle déniche un peu partout, en les unissant sur la page, elle partage son univers poétique et ouvert, ses visions secrètes et libres. Inspirée par la peinture, de la Renaissance italienne aux surréalistes belges, mais aussi par ses lectures, Audrey Guttman nous pousse à renouer avec un regard curieux et ambitieux, une volonté de voir la beauté cachée d’un monde aux possibles retrouvés.
Since childhood, Audrey Guttman has always created: writing, painting, drawing... After studying political science, literature and art history, collage came to her as a self-evident fact, as the culmination of her process. By drawing from images that she finds everywhere, by uniting them on the page, she shares her poetic and open universe, her secret and free visions. Inspired by painting, from the Italian Renaissance to Belgian surrealists, but also by her readings, Audrey Guttman urges us to renew our curiosity and ambition, with a desire to see the hidden beauty of a world of renewed possibilities.
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Audrey Guttman, Lui et moi , 2021
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Audrey Guttman, Past lives at sunset, 2021
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Audrey Guttman, Celui qui n'ose pas regarder le soleil en face ne sera jamais une étoile, 2021
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Audrey Guttman, At the still point of the turning world, 2021
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Audrey Guttman, Faim, soif, cris, danse, danse, danse, danse! , 2021
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Audrey Guttman, The dinner party, 2021
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Audrey Guttman, J'irai danser sur vos tombes , 2021
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Audrey Guttman, Elle est retrouvée! Quoi? L'éternité, 2021
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Audrey Guttman, The memory of light, 2021
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Audrey Guttman, Veiled threat, 2021
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Audrey Guttman, Nest of Being, 2021
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Audrey Guttman, Enola-Coque, 2021
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Audrey Guttman, Wrapped inside myself, 2021
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Audrey Guttman, L'attente, 2021
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Audrey Guttman, Cheveux de roche, 2021
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Audrey Guttman, L'impossible, 2021
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Audrey Guttman, The Other Me, 2021
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Audrey Guttman, Somnanbule, 2021
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Audrey Guttman, I trust the world to come back, 2021
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Audrey Guttman, My soul leaps in the deep of night, 2021
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Audrey Guttman, Neither flesh nor fleshless, 2021
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Audrey Guttman, I'll be your mirror, 2021
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Audrey Guttman, At the still point, there the dance is II, 2021
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Audrey Guttman, At the still point, there the dance is , 2021
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Audrey Guttman, Inconnus quoique non imperceptibles, 2021
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Audrey Guttman, In memory of my feelings, 2021
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Audrey Guttman, Le poids du monde, 2021
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Audrey Guttman, Everything possible to be believed is an image of truth, 2021
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Audrey Guttman, Where past and future are gathered, 2021
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Audrey Guttman, Live cuts , 2022
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Audrey Guttman, A dance for the end of the world , 2021
Dans la chanson du Velvet Underground, « I’ll be your mirror », la chanteuse Nico déclame : « When you think the night has seen your mind / That inside you’re twisted and unkind / Let me stand to show that you are blind / Please put down your hands / ‘Cause I see you » Ces paroles résonnent au cœur de l’œuvre d’Audrey Guttman. Pour elle, le collage a le même effet qu’un miroir déformant qui, malgré tout, voit.
Né d’une infinité d’images préexistantes — des visions arrachées à des magazines anciens, des réclames, des traces d’un passé oublié qu’Audrey Guttman conserve précieusement — le collage brouille les pistes. Il permet à l’artiste de disparaître, de se sentir en sécurité. Pourtant, il est aussi un révélateur : chaque œuvre devient le reflet d’une intense vie intérieure. Tour à tour traversé d’émotions, de souvenirs, de sensations, le collage s’oppose aux images trop fixes, à leur sens défini et limité. Il agit avec l’image tel le poème avec le mot.
En associant des visions en apparence opposées — au même titre qu’une correspondance baudelairienne ou qu’une synesthésie — l’artiste ouvre le sens, elle le démultiplie. Et permet à celui qui regarde d’y trouver son reflet troublant, d’y associer en profondeur un état émotionnel, une forme secrète, une couleur intime. Ainsi, chaque regard y trouvera sa part unique et singulière. Comme un peu de sa vie mentale, de son existence du dedans — pour reprendre l’expression chère à Michaux dont Audrey Guttman raffole — et qui, dans le collage, se révèle...
Après avoir tenté toutes les pratiques et tous les actes — peindre, jouer, dessiner — le collage est venu à Audrey Guttman comme une évidence. D’abord pour sa dimension autobiographique. « Mon identité n’a jamais été une et indivisible », reconnaît l’artiste, « la seule chose que je revendique, ce sont mes propres assemblages. » Elle a aimé le collage, « un art modeste et humble, fait de tâtonnements ». Par cette pratique intensive, l’artiste sauve ces images vouées à l’oubli. Face à elles, un mélange de transe et de tendresse : Audrey Guttman feuillette, cherche. Elle sent, elle perçoit qu’il faut conserver telle vision, telle page arrachée et pas une autre. Force de l’évidence qui la traverse: l’image s’impose à elle comme si elle voulait survivre. Alors elle la découpe, la conserve. Puis elle tourne autour de l’image, virevolte face à elle. Tente une association, laisse reposer, patiente. Enfin, elle colle. Le lendemain, elle répétera cet acte, méthodiquement, tel un exorcisme salvateur ou comme une méticuleuse chorégraphie.
Par ce pouvoir magique du collage, l’image renaît de ses cendres.
Cette idée d’une renaissance est la pulsation de l’exposition « I’ll be your miror » comme le confesse Audrey Guttman: « La planète brûle, l’apocalypse se joue devant nos yeux. » Pour contrer la fin du monde annoncée, l’artiste détourne la célèbre phrase de Boris Vian en une proposition magique : J’irai cracher... devient J’irai danser sur vos tombes... Donc, acte. Ses personnages dansent à même les décombres comme dans A dance for the end of the world où l’on croit voir une danseuse ambiguë valser avec une explosion nucléaire...
La fin du monde est également fin des images. Face au surplus infini d’images que nos rétines se forcent à consommer chaque jour, face à cette nouvelle lutte des classes gagnée depuis longtemps par les écrans, les collages d’Audrey Guttman redonnent un sens aux images enfouies en nous forçant à ralentir, à prendre le temps, à se laisser envahir. Par exemple, elle découpe des publicités où les corps souvent nus des femmes sont utilisés à l’origine pour promouvoir la vente de tel ou tel produit. Audrey Guttman inverse la fonction première : elle renverse les images avant de les coller, et nous révèle ainsi ce que le hasard a fait pousser au verso de ces prises...
Le collage devient son arme. Contre les images toutes faites d’une publicité dévoyée. Et contre les couches d’une peau sociale qui nous obligent à masquer nos émotions sincères. Dans The other me, le dédoublement est manifeste, la personnalité semble bien plus complexe en son for intérieur que sur sa façade présentable... Tout comme l’œuvre The dinner party qui montre une femme aux apparences convenables, en pleine cérémonie conventionnelle et stéréotypée, bouillir de l’intérieur à tel point que tout son corps prend feu : elle devient perpétuelle incandescence. Dans L’attente, la posture naïve d’une autre jeune fille laisse surgir la solidité d’une falaise.
Audrey Guttman aime montrer ce que les corps cachent. Elle a d’ailleurs réalisé toute une série de « collages d’après modèle » pour capter le corps dans sa vérité nue. Dans un atelier de dessin, face à des modèles. Et dans le cours de voguing du Centre National de la Danse. Elle a capturé les mouvements du corps non pas en dessinant mais en découpant. Grâce au collage, on est désormais prévenu : il faut voir en dessous. Et au-delà.
La vie intérieure et la jubilation des corps. Le collage permet de réunir ses deux pulsions intimes. De contrer une vie sociale trop superficielle. De subvertir les corps figés dans une seule et même identité ou un seul et même genre. Audrey Guttman reconstruit un monde complexe, mouvant et parfois même dansant. Un monde fondamentalement vivant. Ses collages en deviennent les miroirs intuitifs. Ils révèlent ce que nos peaux masquent. Ils libèrent ce que nos images enfouissent.
Depuis l’enfance, Audrey Guttman crée : écriture, peinture, dessin... Après des études de sciences politiques , de littérature et d’histoire de l’art, le collage lui est venu comme une évidence, comme l’aboutissement de son acte. En puisant dans des images qu’elle déniche un peu partout, en les unissant sur la page, elle partage son univers poétique et ouvert, ses visions secrètes et libres. Inspirée par la peinture, de la Renaissance italienne aux surréalistes belges, mais aussi par ses lectures, Audrey Guttman nous pousse à renouer avec un regard curieux et ambitieux, une volonté de voir la beauté cachée d’un monde aux possibles retrouvés.
Boris Bergmann