Robert Wilson, A chair and its shadow: Ketabi Bourdet - 22, passage Dauphine, 75006 Paris
Charlotte Ketabi-Lebard et Paul Bourdet ont l’honneur de présenter une exposition de l’artiste et metteur en scène américain Robert Wilson, célébrant ainsi leur récente association, s’inscrivant dans le parcours du Paris Gallery Week-End.
La galerie, qui entend présenter à la fois de l’art contemporain et du design, trouve à travers Bob Wilson une première proposition des plus pertinentes. Par sa contribution au mobilier des années 1970 à nos jours, son activité de plasticien et l’univers dramaturgique qu’il a déployé sur les scènes du monde entier, il incarne en effet une transversalité singulière dans le paysage artistique de notre époque. Présentant plusieurs pièces de mobilier iconiques et dessins conçus dans le cadre de ses différents projets de mises en scène, l’exposition aborde ce spectre créatif qui répond, toujours, à une puissante vision d’ensemble. Elle met également en lumière un rapport inédit entre le design et les arts vivants.
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Robert Wilson, Orlando (a little door), Ca. 1989
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Robert Wilson, Chaise Hamletmachine, ca. 1986
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Robert Wilson, Chaise Madame Butterfly (waiting chair), Ca. 1992
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Robert Wilson, Medea Act Five, Scene Thirteen, 1984
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Robert Wilson, Medea Act Five, 1984
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Robert Wilson, Medea Act Five, 1984
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Robert Wilson, Medea Act Three, 1984
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Robert Wilson, Medea Act Three, 1994
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Robert Wilson, Medea Act Two, 1984
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Robert Wilson, Medea Act One, 1984
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Robert Wilson, Parzival Scene Fourteen, 1987
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Robert Wilson, Parzival Scene Thirteen, 1987
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Robert Wilson, Parzival Scene One, 1987
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Robert Wilson, Orlando (a little door), Ca. 1989
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Robert Wilson, Goro's stool, Ca. 1993
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Robert Wilson, A chair with a shadow, Ca. 1990
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Le mobilier du metteur en scène Bob Wilson exposé à Paris
Nicolas Milon, AD Magazine, 5 May 2022 -
Une exposition en l'honneur de Robert Wilson chez Ketabi Bourdet
Louise Conesa, Ideat, 17 May 2022 -
Charlotte Ketabi-Lebard et Paul Bourdet, galeristes.
Roxana Azimi, M Le Monde, 24 June 2022 This link opens in a new tab.
Charlotte Ketabi-Lebard et Paul Bourdet ont l’honneur de présenter une exposition de l’artiste et metteur en scène américain Robert Wilson, célébrant ainsi leur récente association, s’inscrivant dans le parcours du Paris Gallery Week-End. La galerie, qui entend présenter à la fois de l’art contemporain et du design, trouve à travers Bob Wilson une première proposition des plus pertinentes. Par sa contribution au mobilier des années 1970 à nos jours, son activité de plasticien et l’univers dramaturgique qu’il a déployé sur les scènes du monde entier, il incarne en effet une transversalité singulière dans le paysage artistique de notre époque. Présentant plusieurs pièces de mobilier iconiques et dessins conçus dans le cadre de ses différents projets de mises en scène, l’exposition aborde ce spectre créatif qui répond, toujours, à une puissante vision d’ensemble. Elle met également en lumière un rapport inédit entre le design et les arts vivants.
« Je mets autant de soin à dessiner un siège qu’à créer une pièce de théâtre. Tous les détails ont un rapport avec la forme et la ligne, le temps et l’espace. »*
A l’origine de sa passion presque insolite pour les chaises, et, peut-être aussi, de son inclination pour le minimalisme, Robert Wilson cite souvent un épisode de son enfance : lors d’une visite alors qu’il avait douze ans chez son oncle vivant comme un ermite à Albuquerque, il fut fasciné par une chaise du Nouveau Mexique en bois, très étroite et à haut dossier, qui trônait au milieu d’un dépouillement quasi total. Deux ans plus tard il la reçut en cadeau pour Noel, vida sa chambre pour l’accueillir et y reproduire une « scénographie » pareillement ascétique. Des années plus tard, la chaise Hamletmachine (présentée dans l’exposition) semble être un hommage à cette assise, genèse du design de l’artiste. Cette histoire en dit long sur l’importance qu’occupent les assises et autres pièces de mobilier dans les mises en scène de l’artiste : incarnant un personnage, un geste ou une humeur, elles portent toute la dramaturgie du livret mais existent aussi en tant que pur élément scénique, central dans l’économie visuelle du plateau.
« L’occupation solitaire de ses paysages sidéraux par un siège évoquait des images de personnages humains antérieurs à la parole, dont on attendait encore la venue, ou peut-être le retour. (...) Ces sièges mystiques étaient solides, fiables, réalisés dans un matériau apparemment impérissable (...) Ils ne pouvaient pas décevoir, ni vieillir, ni mourir comme le personnage humain qu’ils représentaient. Ils étaient à la fois son substitut et son alter ego.»**
Alors quand il s’agit de la chaise créée pour la devenue mythique production de Madame Butterfly, en 1992, on ne peut que voir dans ce pied en bambou la béquille d’une attente digne, stoïque mais contrariée, celle au cœur du drame. « Irrésistiblement solitaires, ils évoquaient la présence d’absences désirées. »** Concevant ses chaises comme de véritables sculptures qui «ont leur personnalité, éveillent des résonances et suscitent des réflexions », Robert Wilson s’inscrit ainsi dans une tradition du design issue des années 1980 qui privilégie la forme à la fonction. Lorsque l’inconfort de ses chaises lui est reproché, Bob Wilson rétorque : « Comfort is just a state of mind. » Cette tendance trouve son paroxysme dans l’iconique Hamletmachine en métal perforé, qui pousse le style industriel vers une épure extrême et semble être la négation même de tout confort, au profit de l’expressivité théâtrale. Conçue à l’occasion de la création de la pièce éponyme d’Heiner Müller en 1986, cette chaise faisait partie d’un ensemble et était accompagnée, sur scène, d’une longue table aux lignes tout aussi radicales, autour de laquelle se déroulait l’action. C’est une chaise qui interroge l’idée même de chaise, soit une sorte de « distanciation à la Brecht », pour reprendre les mots d’Umberto Eco*.
Mais s’en tenir là serait oublier la vocation première de ce mobilier initialement conçu pour la scène et donc selon des paramètres, des proportions et des attributions spécifiques - cette forme de « supercherie » propre à la magie des arts vivants. Ainsi, dans chaque production, ces pièces sont essentielles dans la définition architecturale de l’espace. Par leur lignes franches et hiératiques qui scandent, découpent le plateau et ses aplats de couleurs, non seulement elles participent de l’esthétique épurée de Robert Wilson mais sont également créatrices d’ombres et de lumières. Le modelé créé pour l’opéra Parsifal en est la plus évidente manifestation puisque l’ombre, matérialisée par de la laque noire, devient le principe même du design. L’aplanissement du relief est équivalent à la perception première qu’on peut avoir de ce mobilier dans son contexte d’origine, depuis la salle de spectacle. Aussi l’artiste résume le travail de mise en scène aux trois dimensions que sont le temps, l’espace et la lumière, sa véritable signature. En cela son œuvre est picturale, et ce n’est pas un hasard s’il s’adonne, en parallèle et depuis toujours, à la peinture et au dessin.
Formé à l’architecture d’intérieur et à la peinture au Pratt Institut de Brooklyn, Robert Wilson pratique les arts graphiques en lien avec la conception de ses mises en scène mais également de manière autonome. L’exposition présente un ensemble exceptionnel de dessins préparatoires aux productions de Médée (1984), Hamletmachine (1986) et Parsifal (1987) qui témoignent avec intimité des fulgurances de l’artiste et de son rapport primordial à la lumière. Le trait épais, énergique et expressif, l’usage appuyé du noir, révèlent la rapidité de la pensée, l’impératif d’une vision qui n’attend que d’être couchée sur le papier. Celui qui connait la rigueur classique, le degré de précision, de pureté des mises en scène de l’artiste appréciera l’écart entre ces premières esquisses et l’aboutissement d’un travail titanesque ainsi que la quasi incommunicabilité́ de ces inspirations premières. Comme un peintre, Robert Wilson part de l’informe et divise l’espace en zones de pleins et de vides, d’ombres et de lumières qui laissent petit à petit apparaitre un sentiment d’ensemble, les grandes lignes d’une architecture encore sommaire. Réputé pour faire de chaque scène un véritable tableau où rien n’est laissé au hasard, Robert Wilson transmet à travers ces ébauches un caractère beaucoup plus primitif, expressionniste - une vigueur qui sous-tend en réalité le moindre mouvement au plateau et donne vie et corps à ces images d’esthète. Bob Wilson évolue dans un paysage artistique new-yorkais post-minimal marqué par le travail d’artistes comme Dan Flavin ou Donald Judd, et traite ses mises en scène à travers ce prisme.
Nommé Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres et Officier de la Légion d’Honneur, Robert Wilson entretient avec la France une longue histoire, depuis ses débuts dans le monde du théâtre. C’est en effet à l’invitation de Jack Lang et au Festival de Nancy qu’il obtient son premier grand succès international avec Le Regard du Sourd en 1971. En 1991 le Centre Pompidou, à la genèse duquel il a pris part, lui consacre une exposition et c’est Le Louvre qui prend le relais en 2013, en présentant ni plus ni moins que la chambre de l’artiste. Les collaborations avec l’Opéra de Paris ont été nombreuses jusqu’à, tout récemment encore, la création d’un Turandot très acclamé par la critique. La galerie Ketabi Bourdet est ainsi heureuse d’apporter, avec cette exposition, sa petite pierre à l’édifice.
Eva Pion
* Entretien avec Umberto Eco en 1991 à l’Opéra Bastille, Robert Wilson, Centre Georges Pompidou, Paris, 1991
** Emilios Ambasz, « Robertos Wilson, Luminarios (premier régisseur) et maître », Robert Wilson, Centre Georges Pompidou, Paris, 1991