Premiers Vertiges - Group show: Commissariat Elise Roche
Pour la plupart des artistes de cette exposition collective et pluridisciplinaire, le passage à l’âge adulte ou le sentiment de transition de manière plus générale, a été l’occasion de questionnements, d’une recherche d’identité et de la création d’un monde nouveau.
Cette thématique, présente chez la génération d’artistes émergents, se retrouve aussi dans la production de figures plus emblématiques comme dans l’oeuvre d’Henry Darger. Peintre, photographe, designer, vidéaste ou même créateur de mode, ils se sont prêtés au jeu de la jeune curatrice afin de donner naissance à une exposition où la couleur et la figuration se mêlent à la création plastique et aux visions oniriques.
Vous rappelez-vous de vos premiers vertiges ? Ceux de votre corps, de votre esprit, de votre cœur ?
Il était une fois, sept petites filles, les Vivian girls, amenées, pour sauver tous les enfants du monde à se battre contre le peuple des adultes, les Glandeliniens. Créée de toutes pièces par l’artiste inconnu de son vivant Henry Darger, l’épopée des Royaumes de l’irréel est une source d’inspiration fertile pour les générations suivantes. C’est d’ailleurs lors d’un échange avec la peintre Marcella Barceló qu’à nouveau m’est apparu la fécondité de son œuvre. Les fleurs irisées aussi géantes qu’artificielles semblent avoir été semées à partir des mêmes graines. Les petits êtres paraissent protéger un lourd secret, une catastrophe pourrait vite arriver... Les créatures hybrides volent et surgissent des mondes flottants jusqu’aux dessins de la designer et artiste Elizabeth Garouste. Son miroir est une mise en abîme, le reflet se morcèle, que regardons-nous vraiment ?
En dirigeant le regard à l’intérieur de nous-même, nous pouvons aussi être en proie aux vertiges. Au loin, on entend les sons du carnaval où les monstres et les anti-héros sont célébrés. La peintre Amélie Bigard dresse une fresque de personnages égarés où seul le costume tient lieu de présentation. La créature aux fraises du styliste Charles de Vilmorin fleurit du dessin au vêtement. Assise dans son rocking chair (hommage de Bob Wilson à l’artiste Clémentine Hunter), la femme sans tête se balance en poursuivant sa rêverie.
Face au banc du designer Olivier Gagnère, l’artiste Valentin Ranger révèle la genèse d’une nouvelle utopie. Tel un dieu omniscient, il déclame "Je dois m’occuper des êtres perdus dans les corps divisés, ceux qui ont besoin d’une nouvelle histoire, je suis omnisexe [...] Créature, je deviens monstre seulement devant certains regards. Je ne rêve que d’aimer."
Le corps n’est-il pas une arche ? Il sert de vaisseau à travers lequel la peintre Tal Regev canalise et transporte les énergies. Il se fractionne et peut, comme pour Sainte-Thérèse, tomber en extase : " J’ai vu dans sa main une longue lance d’or, à la pointe de laquelle on aurait cru qu’il y avait un petit feu. Il m’a semblé qu’on la faisait entrer de temps en temps dans mon cœur et qu’elle me perçait jusqu’au fond des entrailles ... "
Les personnages colorés se consomment et se consument. La chute de l’être ailé sur ce fruit défendu aux courbes et reflets solaires de la photographe Maisie Cousins rappelle le mythe tragique d’Icare. En s’approchant trop du soleil, la chaleur a fait fondre la cire jusqu’à ce que ses ailes finissent par le trahir, il meurt précipité dans la mer. Les vagues se mêlent au sang d’Uranus pour faire naître les Venus de la peintre Inès Longevial. Le long de leurs visages coulent les forces séminales. " À l’image d’un phœnix qui s’enflamme pour renaître de ses cendres, peut-être que nous renaissons plusieurs fois de nos premières aventures." Le patchwork aux mille visages est "comme une enveloppe de mémoire, de tout ce brasier des premiers et derniers vertiges."
Tant que l’homme est capable d’étonnement, l’art existe et j’ai le naïf espoir qu’il puisse substituer l’ordre au chaos et comme l’évoquait le philosophe Henri Maldiney "le rythme au vertige."
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Do you remember your first thrills? The ones of your body, of your mind, of your heart?
Once upon a time, there were seven little girls, the Vivian girls, who, in order to save all the children of the world, had to fight against the grown-ups, the Glandelinians. Created from scratch by the artist Henry Darger, unknown during his lifetime, the epic of the Realms of the Unreal [1] is a fertile source of inspiration for the following generations. It was during an exchange with the painter Marcella Barceló that the fertility of his work once again became apparent to me. The iridescent flowers, giant and artificial, seem to have been sown from the same seeds. The small beings are seemingly protecting a heavy secret, a catastrophe could happen quickly... The hybrid creatures fly and emerge from the floating worlds to the drawings of designer and artist Elizabeth Garouste. Her mirror is a mise en abîme, the reflection is fragmented, what are we really looking at?
By directing the gaze inside ourselves, we can also be prey to dizziness. In the distance, we hear the sounds of the carnival where monsters and anti-heroes are celebrated. Painter Amélie Bigard constructs a fresco of misguided characters where only costumes serve as presentation. The strawberry creature of stylist Charles de Vilmorin blooms from the drawing to the clothing. Sitting in her rocking chair (Bob Wilson’s homage to the artist Clementine Hunter), the headless woman sways while pursuing her reverie.
Facing the bench of designer Olivier Gagnère, the artist Valentin Ranger reveals the genesis of a new utopia. As an ubiquitous god, he declaims «I must take care of the beings lost in the divided bodies, those who need a new history, I am omnisexual [...] Creature, I become monster only in front of certain looks. I only dream of loving.»
Is the body not an arch? It serves as a vessel through which the painter Tal Regev channels and transports energies. It splits up and can, as in the case of Saint Theresa, fall into ecstasy: «I saw in her hand a long golden spear, at the tip of which one would have thought there was a small fire. It seemed to me that one made it enter from time to time in my heart and that it pierced me until the depths of myself... "
The colorful characters are consumed and burnt. The fall of the winged being on this forbidden fruit with curves and solar reflections of photographer Maisie Cousins reminds the tragic myth of Icarus. By getting too close to the sun, the heat melted the wax until his wings finally betrayed him and he died falling in the sea. The waves mix with the blood of Uranus to give birth to the Venuses of painter Ines Longevial. Along their faces flow seminal forces. «Like a phoenix that ignites to be reborn from its ashes, perhaps we are reborn several times from our first adventures. The patchwork of a thousand faces is «like an envelope of memory, of all this inferno of the first and last thrill.»
As long as humans are capable of astonishment, art will exist and I have the naive hope that it can substitute order for chaos and as the philosopher Henri Maldiney evoked «rhythm for thrills.»
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Elise Roche est une commissaire d’exposition et conseillère en art contemporain. Depuis 2019, elle est la directrice des projets chez Hervé Mikaeloff où elle se spécialise dans les projets dédiés à la création émergente. Elle a participé à la curation d’expositions variées comme «L’écume des songes » en parallèle de la sélection d’art Paris sur la figuration contemporaine, "Miss Dior" une exposition patrimoniale Dior ou même la participation à la curation de la dernière édition du Noor Festival à Riyadh. En parallèle, elle écrit pour des magazines et des galeries.
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Marcella Barceló, Cami a casa, 2021
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Marcella Barceló, First Love, 2021
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Marcella Barceló, Sunbeam, 2021
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Inès Longevial, Patchwork, 2023
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Inès Longevial, Eveil du Printemps 1, 2023
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Inès Longevial, Eveil du Printemps 2, 2023
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Amélie Bigard, Baby hulk, 2021
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Amélie Bigard, Orpheu negro, 2023
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Maisie Cousins, Blue Mermaid, 2018
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Maisie Cousins, Egg, 2018
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Maisie Cousins, Pink Egg, 2018
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Maisie Cousins, Wasp, 2017
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Henry Darger, Sans titre, 1960
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Charles de Vilmorin, sans titre, 2021
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Charles de Vilmorin, Haute Couture Spring/Summer 2021, 2021
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Tal Regev, Flame, 2023
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Elizabeth Garouste, Sans titre, 2021
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Elizabeth Garouste, Sans titre, 2017
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Elizabeth Garouste, Sans titre, 2017
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Elizabeth Garouste, sans titre, ca. 1998
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Elizabeth Garouste, Sans titre, 2022
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Valentin Ranger, Les livreurs de coeur, 2022
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Valentin Ranger, A l'hôpital de la naissance, 2020-2021
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Valentin Ranger, Floraison avant déflagration
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Elizabeth Garouste, Miroir Baiser, 2008
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Robert Wilson, Clementine Hunter Rocking Chair, 2011
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Elizabeth Garouste, Miroir Lanterne, 2010
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Olivier Gagnère, Banc Privé, 2019
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Ketabi Bourdet Reflects on Identity and Coming of Age in 'Premiers Vertiges'
Shawn Ghassemitari, HypeArt, 2 March 2023 -
“PREMIERS VERTIGES” (FIRST THRILLS) IS A GROUP SHOW CURATED BY ELISE ROCHE AT GALERIE KETABI BOURDET IN PARIS
Emily Leung & Nikey Cheng, Sphere Art, 16 March 2023 -
L'agenda Cult : Cinq événements culturels, majeurs ou hors des sentiers battus, pour s'éclairer l'esprit
JDD Magazine, 27 March 2023