Clément Davout, Sous le ciel, sous le bleu: Ketabi Bourdet - 22, passage Dauphine, 75006 Paris
La Galerie Ketabi Bourdet est heureuse de consacrer une première exposition à l’artiste Clément Davout. Né à Flers en 1993, diplômé des Beaux-Arts de Caen/Cherbourg puis installé dans un premier temps à Bruxelles, l’artiste vit aujourd’hui à Paris l'artiste vit aujourd'hui à Paris où il se consacre à la peinture.
« Sous le ciel, sous le bleu » offre à Clément Davout l’occasion de présenter pour la première fois, conjointement, ses peintures et ses dessins, dans un dialogue poétique avec l’espace de la verrière. Du bleu nuit à la douce chaleur d’un dégradé d’oranges s’énoncent plusieurs nuanciers qui accueillent, dans une mise en abyme du tableau, l’espace circonscrit à une peinture de végétaux. Ces oeuvres récentes trouvent leur origine dans les grandes serres du Jardin des Plantes où l’artiste a réalisé une série de clichés, suivant son protocole habituel de création. Mais après la photographie c’est aux algorithmes du numérique que l’artiste a recours dans son rapport à l’image, dont le fondement, l’ambiguïté et l’évolution du paradigme sont au coeur de sa pratique.
A l’origine de son désir de peinture, la volonté de consigner la matière, le souvenir, la sensation des ombres dans une toile, acte fondateur que l’on retrouve d’ailleurs dans le mythe de la fille de Dibutade extrait de l’Histoire naturelle de Pline et qui marque rien de moins que la naissance de ce médium. Les plantes, feuilles, palmes, branchages et autres arborescences composent un répertoire de formes organiques qui affleurent en contre-jour et impriment dans ces oeuvres leur silhouette gracieuse, lointaine et hors du temps.
Ainsi donc Clément Davout peint le rendu photographique de végétaux auquel il a apposé préalablement un calque de couleur et qu’il soumet ensuite aux fameux « filtres Instagram ». L’image finale apparait alors comme une émergence progressive à la surface de multiples couches de peinture entretenant un même spectre chromatique, et rappelle ainsi la beauté magique des cyanotypes en photographie. Dans les deux cas, la lumière est le véritable enjeu et sujet, et elle s’exprime ici dans des palettes vaporeuses et dégradées propres à l’aube et au coucher de soleil. Cette esthétique du flou, du fondu inscrit l’artiste dans un héritage qui part de la Renaissance et notamment du « sfumato » jusqu’à l’époque contemporaine avec des artistes comme Gerhard Richter, qui en ont fait le vecteur de vérité de leur rapport au monde.
Mais si les ombres ont souvent servi, dans l’histoire de l’art, à insuffler une dimension dramaturgique, ici elles constituent davantage un prétexte pictural. L'ondulation muette, onirique et intemporelle des plantes est d’ailleurs propice à cet arrêt sur image opéré par le tableau et flirte avec l’abstraction, que Clément Davout considère comme une tentation inévitable pour un peintre.
Il y a d’ailleurs bien une influence et une réflexion de cet ordre dans ses oeuvres. Si l’artiste, qui a éliminé très vite la figure humaine de son travail, a beaucoup regardé l’art abstrait américain et particulièrement le mouvement « Color Field painting », c’est davantage à travers sa démarche distanciée et conceptuelle que s’exprime sa relation avec l’abstraction. Et c’est là qu’interviennent les algorithmes : les proportions et teintes choisies pour encadrer l’image principale correspondent à celles sélectionnées par Instagram pour combler le vide entre la publication et l’espace qui lui est assigné dans la « story », lorsque l’artiste soumet à l’application ses clichés retravaillés. Cette mise en scène du règne de l’attrayant, cette prise de distance du peintre vis-à-vis de son sujet, cette manière de sanctuariser l’image, de l’abstraire de plus en plus de son contexte d’origine témoignent des perspectives et interrogations nouvelles et futures concernant son statut.
L’artiste instaure ainsi en périphérie, en marge, une ambiguïté qui a par de nombreuses reprises marqué la peinture occidentale à travers le motif de la fenêtre ou du cadre, multipliant les plans, les temporalités et les niveaux de lecture au sein d'une même composition. Mais l’intelligence de ce dispositif pictural est également de renvoyer à une expérience concrète, immédiate et universelle qui a été et reste le grand plaisir de l’artiste : celle de contempler, depuis la rue, dans l’espace de la ville, des ombres s’agiter derrière une fenêtre éclairée.
Les dessins à l’aquarelle proposent un récit sensible autour du crépuscule, sur lequel se distinguent, par des rehauts de crayons de couleurs, les apparitions végétales. Ces oeuvres sont réalisées d’après des photographies de couchers de soleil dans lesquelles l’artiste a zoomé jusqu’à obtenir un échantillon de dégradé, une parcelle de ciel uniquement remplie par la couleur, un fragment visuel proprement abstrait. On retrouve à travers ces fonds saisonniers une forme de perspective atmosphérique tandis que l’élégance des arborescences tout en ombres graphiques peut faire penser à la peinture de paysage asiatique.
--- English Version ---
Ketabi Bourdet is pleased to present the first solo exhibition dedicated to Clément Davout. Born in Flers, France in 1993, he studied at the Beaux Arts of Caen/Cherbourg and practiced in Brussels before relocating to Paris where he currently lives and works.
Sous le ciel, sous le bleu marks Clément Davout’s first opportunity to simultaneously present his drawings and paintings in a poetic dialogue with the glass-canopied architecture of the gallery. From midnight blues to the soft warmth of a gradation of oranges, several color palettes emerge which harbor, in a mise en abyme of the composition, a space circumscribed to paintings of plants. These recent works originated in the large greenhouses of the Jardin des Plantes, where Davout took a series of photographs, per his usual creative process. However, following their capture, his relationship to the images finds recourse in the introduction of digital algorithms, which are at the heart of his practice and technique.
At the heart of Davout’s desire to paint – to consign material, memory, and the sensation of shadows to canvas – is a foundational act similarly found in the myth of Butade’s daughter, documented by Pliny the Elder, which records nothing less than the birth of this medium. Plants, leaves, palms, branches and other arboreal elements comprise a repertoire of organic forms that, when backlit, bloom and print their gracious, forlorn and atemporal silhouettes onto his works.
And so Clément Davout paints the photographic renderings of plants to which he applies a primary layer of color before submitting them to Instagram filters. The final image appears to progressively emerge on the surface of multiple layers of paint within the same chromatic spectrum, evocative of the magical beauty of photographic cyanotypes. In both cases, light is at once the issue and subject, and is expressed here in the vaporous and gradient color palettes specific to dusk and dawn. This blurred, faded aesthetic inscribes the artist in a lineage that dates from the Renaissance – notably via the technique of “sfumato” – to the contemporary era with artists like Gerhard Richter, who have made it the vector of truth in their relationship to the world.
But if shadows have often served to infuse a dramaturgical dimension in the history of art, here they constitute an even greater pictorial pretext. The mute, dreamlike undulations of plants are conducive to the singular fixed frame of the painting, and flirt with abstraction, which Clément Davout considers an inevitable temptation for painters.
There is indeed an influence and reflection of this order in his works. If the artist, who very quickly eliminated the human figure from his work, spent a lot of time looking at American abstract art, and Color Field painting in particular, it’s more through his distanced and conceptual approach that his relationship to abstraction is expressed. And it is here that algorithms intervene: the proportions and tints chosen to frame the main image correspond to those chosen by Instagram to fill the space between the post and the background of the story that frames it, when the artist uploads his edited shots. This staging of the “reign of the attractive”, this distancing of the painter from his subject, this way of enshrining the image, of abstracting it more and more from its original context, testify to the new and future perspectives and questions concerning its status.
In this way, in the peripheries and margins, Davout establishes an ambiguity that has at various turns marked Western painting through the motif of the window or frame, multiplying the planes, temporalities, and levels of reading the image within one single composition. But the cleverness of this pictorial device is also in its ability to refer to a concrete, immediate, and universal experience that was and remains the great pleasure of the artist: contemplating the shadows flickering behind lit windows from the vantage of city streets.
The watercolor drawings propose a sensorial story around twilight, in which one can distinguish, by highlights in colored pencil, the apparition of plants. These works are made based on the photographs of sunsets in which the artist zooms until he obtains a gradient sample, a parcel of sky filled exclusively with color, an abstract visual fragment. Through these seasonal backdrops, we find an atmospheric perspective, while the elegance of trees rendered in graphic shadows is reminiscent of Asian landscape painting.
Eva Pion
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Clément Davout, La nuit venue, 2023
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Clément Davout, Les doigts tachés de mûres, 2023
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Clément Davout, L'aube d'été, 2023
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Clément Davout, Un vent d'hiver souffle en avril, 2023
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Clément Davout, Crépuscule #67, 2023
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Clément Davout, Crépuscule #60, 2023
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Clément Davout, Rêverie profonde, 2023
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Clément Davout, Un soir d'orage, 2023
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Clément Davout, Les minutes suspendues, 2022
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Clément Davout, La lune s'accroche dans les branches, 2021
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Clément Davout, Le soleil inversé, 2020
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Clément Davout, L'odeur de la menthe aquatique, 2023
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Clément Davout, Crépuscule #55, 2023
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Clément Davout, Crépuscule #30, 2022
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Clément Davout, Imiter la mer, 2023
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Clément Davout, Crépuscule #65, 2023
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Clément Davout, Le déroulement du jour, 2023
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Clément Davout, Le lointain devient plus doré, 2023
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Clément Davout, Tu m'as donné le ciel, 2023