Inès Longevial, Perchée: Ketabi Bourdet - 22, Passage Dauphine, 75006 Paris
La Galerie Ketabi Bourdet est heureuse de consacrer une troisième exposition à l’artiste Inès Longevial, dont l’oeuvre a été présentée l’année dernière au Musée des Beaux-Arts d’Agen ainsi qu’à plusieurs reprises à New York (FIAF, Van de Weghe, Journal Gallery).
Ces autoportraits parsemés d’ombres de branches et de feuillages constituent, dans une palette qui semble cette fois privilégier l’aube au coucher de soleil, le coeur de cette exposition. Inspirée par Le Baron perché d’Italo Calvino, conte philosophique autour du jeune Cosimo, 12 ans, qui grimpe dans un arbre et finira par y passer sa vie d’homme, cette série prolonge un état méditatif qui parcourt l’œuvre de l’artiste. Sentiment de solitude, nécessité d’un ancrage dans le monde, questionnement du rôle de l’artiste dans la société s’incarnent dans une poésie du geste, de l’attitude et de la couleur tournant le dos à la narration.
Marquant un retour à l’ornementation végétale caractéristique de ses débuts, ces oeuvres creusent toutefois une esthétique du dépouillement qui s’est substituée, il y a déjà plusieurs années, à l’univers chamarré de ses premiers dessins. Les peaux y sont toujours de fines membranes entre l’intime et le monde qui y imprime ses couleurs mais les arborescences qui les innervent ne répondent plus à une pure liberté du dessin : elles en sont les cicatrices, les veines à vif. Alors que les teintes laiteuses (vert d’eau, jaune beurre, jaune chair de banane, mauve de ciel d’orage, orange brillant), le travail du flou et de la transparence entretiennent une harmonie douce et vaporeuse chère à l’artiste, la question de l’enracinement et de son antagonisme est suggérée à travers ces ramifications de tiges aux allures de courants de vie et solides branches servant parfois d’appui. Le choix de cadrages serrés et décentrés détaillant des parcelles de corps crée une désorientation qui, à l’instar du jeune baron coupé du sol, extrait ces évocations de leur origine terrienne.
Pour l’artiste, il s’agit également d’exprimer un silence qui constitue l’acte de peinture en lui-même et conditionne sa dimension cathartique : être perché dans les arbres, c’est s’abstraire du monde pour mieux le contempler, c’est prendre de la hauteur sur des états d’âme extrêmes, c’est l’épreuve du vide nécessaire à la création. D’ailleurs, Inès Longevial se réfère volontiers à Jonas, l’artiste de la nouvelle éponyme d’Albert Camus qui choisit de se retirer dans les hauteurs symboliques d’une soupente : « Il était difficile de peintre le monde et les hommes et, en même temps, de vivre avec eux. ».
En contrepoint, l’artiste présente plusieurs oeuvres où la figure humaine est pour la première fois absente. De petits ou grands formats verticaux compilent ainsi autour de ces autoportraits une sorte d’abécédaire de la forêt, papillons, fourmis, oiseaux, pommes de pin et donnent matière à une échappée onirique, souvent traduite par un arrêt sur image. L’exposition est aussi l’occasion pour Inès Longevial de révéler son travail préparatoire qui constitue en lui-même un aboutissement. Ainsi, l’ensemble de pastels relève d’une touche beaucoup plus gestuelle et spontanée et témoigne d’essais de lumière, de propositions de poses et de points de vue qui définissent la grammaire de l’artiste. Ce travail rend encore plus palpable ce laboratoire de la couleur qui fait de chaque oeuvre d’Inès Longevial un terrain de sensations, dont la portée émotionnelle est toujours le fruit d’une introspection.
Cédant encore davantage aux vertus de l’intuition, l’artiste renoue avec la tradition surréaliste du « cadavre exquis » et l’exploration fantaisiste de ses premières années dans une série de petits dessins sur serviettes en papier, réalisés tous les matins dans un café en Espagne, sur son lieu de vacances. Les personnages griffonnés à l’encre dans les plus pures règles de l’art (un bout après l’autre en cachant la partie qui a déjà été dessinée) déploient une extravagance rafraichissante et l’on se plait à imaginer des rêves, des symboles, des histoires, des souvenirs d’enfance au milieu de ces figures improbables.
--- English Version ---
These self-portraits, dotted with the shadows of branches and foliage, form the core of this exhibition, in a palette that this time seems to favor dawn over sunset. Inspired by Italo Calvino’s The Rampant Baron, a philosophical tale about 12-year-old Cosimo who climbs a tree and ends up spending his life as a man in it, this series continues a meditative state that runs through the artist’s work. A sense of solitude, the need to anchor oneself in the world, questioning the role of the artist in society are embodied in a poetry of gesture, attitude and color that eschews narration.
Marking a return to the vegetal ornamentation characteristic of her early work, these paintings nonetheless delve deeper into an aesthetic of pared-down simplicity that replaced the gaudy world of her early drawings, several years ago. Skin is still the thin membrane between intimacy and the world that imprints its colors on it, but the arborescences that innervate them no longer respond to the pure freedom of drawing: they are its scars, its raw veins. While the milky hues (water green, butter yellow, banana yellow, stormy mauve, brilliant orange) and the use of blur and translucency maintain the soft, vaporous harmony so cherished by the artist, the question of roots and their antagonism is suggested by the ramifications of stems that resemble currents of life, and the solid branches that sometimes serve as support. The choice of tight, off-center framing detailing body parts creates a disorientation that, like the young baron separated from the ground, extracts these evocations from their earthly origins.
For the artist, it’s also a question of expressing a silence that constitutes the act of painting itself and conditions its cathartic dimension: perched in trees, one can abstract oneself from the world in order to better contemplate it, it’s a way of taking a step back from extreme states of being, it’s the challenge of emptiness that is necessary for creation. In fact, Inès Longevial readily refers to Jonas, the artist in Albert Camus’s short story which bears the same title, who chooses to retreat to the symbolic heights of an attic: «It was difficult to paint the world and men and, at the same time, to live with them».
As a counterpoint, the artist presents several works in which the human figure is absent for the first time. Around her self-portraits, small and large vertical panels compile a sort of woodland glossary of butterflies, ants, birds and pine cones, providing material for a dreamlike escape, often translated into a stop-motion image. The exhibition is also an opportunity for Inès Longevial to reveal her preparatory work, which in itself constitutes a culmination. The set of pastels, for example, is much more gestural and spontaneous, reflecting experiments with light, poses and points of view that define the artist’s distinctive approach. This work makes even more tangible the color laboratory that turns each of Inès Longevial’s works into a field of sensations, the emotional impact of which is always the fruit of introspection.
Yielding even more to the virtues of intuition, the artist revives the surrealist tradition of the «cadavre exquis», the exquisite corpse, and the whimsical exploration of her early years in a series of small drawings on paper napkins, made every morning in a café in Spain, during her vacation. The characters, scrawled in ink according to the purest rules of the art (one end after the other, hiding the part that has already been drawn), display a refreshing extravagance, and we enjoy imagining dreams, symbols, stories and childhood memories in the midst of these improbable figures.
Eva Pion
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Inès Longevial, Ciel verdit, 2023
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Inès Longevial, Rouge Écrasé, 2023
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Inès Longevial, Pierres de lune, 2023
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Inès Longevial, La couleur des heures vécues, 2023
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Inès Longevial, Oiseaux, 2023
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Inès Longevial, Des roses, 2023
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Inès Longevial, Chair de banane, 2023
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Inès Longevial, Chair de plume, 2023
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Inès Longevial, La femme cachée, 2023
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Inès Longevial, Des épines, 2023
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Inès Longevial, Orage orange, 2023
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Inès Longevial, Pigne de pin, 2023
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Inès Longevial, Fourmi, 2023
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Inès Longevial, Les Oiseaux, 2023
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Inès Longevial, L’escargot anonyme , 2023
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Inès Longevial, Pas fait pour un seul moi 3, 2023
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Inès Longevial, Pas fait pour un seul moi 1, 2023
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Inès Longevial, Pas fait pour un seul moi 2, 2023
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Inès Longevial, Untitled, 2023
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Inès Longevial, Cadavre exquis 1, 2023
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Inès Longevial, Cadavre exquis 10, 2023
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Inès Longevial, Cadavre exquis 11, 2023
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Inès Longevial, Cadavre exquis 12, 2023
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Inès Longevial, Cadavre exquis 13, 2023
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Inès Longevial, Cadavre exquis 14, 2023
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Inès Longevial, Cadavre exquis 15, 2023
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Inès Longevial, Cadavre exquis 16, 2023
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Inès Longevial, Cadavre exquis 17, 2023
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Inès Longevial, Cadavre exquis 18, 2023
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Inès Longevial, Cadavre exquis 19, 2023
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Inès Longevial, Cadavre exquis 2, 2023
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Inès Longevial, Cadavre exquis 20, 2023
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Inès Longevial, Cadavre exquis 21, 2023
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Inès Longevial, Cadavre exquis 3, 2023
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Inès Longevial, Cadavre exquis 4, 2023
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Inès Longevial, Cadavre exquis 5, 2023
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Inès Longevial, Cadavre exquis 6, 2023
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Inès Longevial, Cadavre exquis 7, 2023
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Inès Longevial, Cadavre exquis 8, 2023
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Inès Longevial, Cadavre exquis 9, 2023
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