Typologie: Ketabi Bourdet - 22, passage Dauphine 75006 Paris
Lorsque j’évoque Jean-Michel Wilmotte designer, la réponse est univoque : « Mais enfin Wilmotte, c’est un architecte ! ». Eh bien oui, mais pas que... 50 ans après la création de sa première pièce de mobilier il apparait comme urgent de redécouvrir Wilmotte designer. Ce qu’il fut dès le départ.
Formé à l’école Camondo où il entre en 1969, même année qu’Elizabeth Garouste et Philippe Starck, ses professeurs sont Etienne Fermigier, Michel Mortier ou Marcel Gascoin. De cet enseignement il conserve la rigueur du trait et la ligne juste. Il dit de son mobilier : « Mes meubles sont des objets dont la silhouette laisse deviner le trait de crayon. ». Ce n’est pas un hasard s’il installe en 1991 son agence en plein Faubourg Saint-Antoine, historiquement le centre névralgique de l’ameublement. C’est un homme pressé qui, effrayé par le temps de l’architecture - domaine dans lequel il peut s’écouler des années entre les premières esquisses et la livraison d’un bâtiment - lui préfère le temps du design, où en une semaine ses dessins prennent forme pour devenir chaise, table ou lampe.
En 1976, Wilmotte fonde Academy, sa propre maison d’édition en parallèle de Governor son agence d’architecture d’intérieur. Il ouvre une première galerie dès 1977 au 28 rue Madame à Paris, mais c’est en 1982 qu’Academy s’installe dans la désormais mythique galerie de la place de l’Odéon. Grâce à Academy il développe à partir de la fin des années 70 une gamme de mobilier contemporain et discret. N’épousant pas complètement la postmodernité ambiante, il garde un œil tourné vers l’Histoire. Avec l’architecture en filigrane, ses meubles rappellent la Grèce antique autant que les temples japonais. Son style néo-classique confère à son mobilier une esthétique radicale mais empreinte de références aux Art Décoratifs des siècles précédents. Ses meubles, produits en petites séries, se distinguent également par la qualité de leur exécution.
Dès 1979 il rejoint l’aventure du VIA aux côtés de Jean-Claude Maugirard grâce auquel il expose dans le monde entier : du Japon au Salon du meuble de Milan, en passant par le grand magasin londonien Harrods. Le VIA lui permet également de développer à partir de 1982 la collection Attila inspirée des grilles du jardin du Luxembourg, alternance de sections plates de métal et de tubes. Il obtient en 1988 une Carte Blanche qui donne naissance à la collection Palmer, nommée d’après un ancien instrument de mesure.
Déployant une esthétique minimale, Wilmotte est inventif et remet au gout du jour des techniques traditionnelles, tout en les adaptant aux moyens de l’époque. La collection Attila tire par exemple son nom de la technique qui permet de réaliser la patine rouillée. L’artisan, à l’aide d’acide fait rouiller le métal dans son jardin puis fixe la rouille avec du Rustol, si bien que l’herbe n’y repousse plus, comme après le passage d’une horde de Huns. Pour le mobilier de l’Elysée, de la peinture blanche est appliquée sur le bois puis immédiatement essuyée à l’aide d’un chiffon pour obtenir l’effet cérusé.
A partir de 1982, Jean-Michel Wilmotte bénéficie de la volonté du gouvernement, sous l’impulsion de Jack Lang alors Ministre de la Culture, de développer les industries créatives françaises. Il sera de toutes les grandes commandes à commencer par celle de l’Elysée en 1983. Dans le cadre de celle-ci, il réalise le mobilier de la chambre de François Mitterrand. En 1984, il remporte le concours pour le bureau de l’ambassadeur de France à Washington. La même année, il dessine le mobilier du bureau de Jack Lang qui sera finalement installé au Ministère de l’Éducation. Il réalise également la chaise du jardin du Palais-Royal en 1986. Au- delà des commandes publiques, Wilmotte réalise nombre de projets d’aménagement de sièges d’entreprises : Canal +, Havas, ou encore Casino. Son mobilier massif, ancré au sol et fait de matériaux nobles incarne le pouvoir, privé comme public.
Jean-Michel Wilmotte est également amateur et collectionneur d’art, il collabore avec de nombreux artistes tels que César, Daniel Buren ou Jean Pierre Raynaud, notamment en 1993 pour l’aménagement du Café Richelieu au Musée du Louvre. Influencé par la société du « tout communication » qui émerge dans les années 80, il est sensible à l’image. Ses shootings sont signés par des photographes de renom tels que Robert César ou Keiichi Tahara et donnent naissance à des images transcendant la simple photographie de mobilier. Son rayonnement est international : à partir de 1986 en plus d’un bureau d’étude il installe un espace d’exposition à Tokyo. Au Bunkamura, énorme complexe dédié à la culture dans le quartier de Shibuya à Tokyo, Wilmotte crée une réplique du Café des Deux Magots adaptant ainsi la chaise Palais-Royal aux standards japonais. L’aventure est stoppée nette en 1995 par le tremblement de terre de Kobe. Ayant le sentiment d’avoir fait le tour du design il se frotte à l’architecture et construit ses premiers bâtiments à Tokyo dès 1989, il passe son équivalence en 1993 et obtient le titre d’architecte. L’architecture prend alors rapidement le pas sur le design et signe la fin d’Academy.
Cependant Wilmotte n’a jamais cessé de créer du mobilier pour des projets privés et publics à travers son agence, ou via des éditeurs. C’est une activité qui l’occupe encore aujourd’hui et son studio de design compte six designers. Les collections anciennes telles que Palmer, Attila, Washington ou Elysée font désormais parties de l’histoire du mobilier français et ont pour certaines d’ores et déjà rejoint les collections des musées nationaux.
Son travail d’architecte d’intérieur puis d’architecte lui a permis tout au long de sa carrière de concevoir du mobilier dans le cadre de projets complets allant de la façade à la poignée de porte. Cette pratique d’ensemblier peut rappeler par nombre de ses aspects le travail d’un autre Jean-Michel, Jean Michel Frank.
Alors qu’il est aujourd’hui Académicien et considéré comme l’un des grands architectes contemporains, l’importance de Jean-Michel Wilmotte dans la révolution esthétique des années 80 est indéniable et à découvrir ou redécouvrir dès à présent.
Pour toute information complémentaire : info@ketabibourdet.com
When I mention designer Jean-Michel Wilmotte, the response is always the same: “Well, Wilmotte is an architect!” Well, yes, but not only. 50 years after the creation of his first piece of furniture, it seems urgent to rediscover Wilmotte as a designer. He studied at Camondo, where he entered in 1969, the same year as Elizabeth Garouste and Philippe Starck. His teachers were Etienne Fermigier, Michel Mortier and Marcel Gascoin. From this training he retained a certain rigor, the right line. He says of his furniture: “My furniture comprises of objects whose silhouettes reveal the line of my pencil.” It's no coincidence that in 1991 he set up his agency in the heart of Faubourg Saint Antoine, historically the center of the Parisian furniture industry. He is always in a hurry and is afraid of the time taken by architecture - a field in which it can take years between the first sketches and the delivery of a building - and prefers the time taken by design, where in just one week his drawings take shape to become a chair, a table or a lamp.
In 1976, Wilmotte founded Academy, his own furniture company, alongside Governor, his interior design agency. In 1977, he opened the first shop at 28 rue Madame in Paris. In 1982, Academy moved to its now legendary gallery on Place de l'Odéon. From the late 70s onwards, Academy developed a range of contemporary, understated furniture. Not completely embracing the prevailing postmodernism, he kept an eye on history. With its architectural inspiration, his furniture is reminiscent of ancient Greece as much as Japanese temples. His neoclassical style gives to his furniture a radical aesthetic full of references to previous centuries’ Decorative Arts. His furniture, produced in small series, is also distinguished by the quality of its craftsmanship.
In 1979, he joined the VIA adventure alongside Jean-Claude Maugirard, thanks to whom he exhibited all over the world, from Japan to the Milan Furniture Fair or the London department store Harrods. From 1982, VIA also enabled him to develop the Attila collection, inspired by the railings of the Luxembourg Gardens, alternating flat sections of metal and tubes. In 1988, he was awarded a Carte Blanche which gave birth to the Palmer collection, named after an ancient measuring tool.
While deploying a minimalist aesthetic, Wilmotte brought traditional techniques up to date, adapting them to the means of the era. The Attila collection, for example, took its name from the technique used to create a rusty patina on the metal. Using acid, the craftsman rusted the metal in his garden, then fixed the rust with Rustol, making the grass no longer grow back as it would after the passage of Attila the Hun and his troops. For the oak used for the Elysée Palace furniture, white paint was applied to the wood, then immediately wiped off with a cloth to simulate the ceruse effect.
From 1982 onwards, Jean-Michel Wilmotte benefited from the government's desire, under the impulse of Jack Lang, then Minister of Culture, to develop France's creative industries. He was involved in all the major commissions, starting with the Elysée Palace in 1983, where he designed the furniture for President François Mitterrand's bedroom. In 1984, he won the competition for the office of the French ambassador in Washington. That same year, he designed the furniture for Jack Lang's office, which was eventually moved to the Ministry of Education. He also designed the chair for the gardens of the Palais Royal in 1986. In addition to public commissions, Wilmotte also designed furniture for a number of corporate headquarters, including Canal +, Havas and Casino. His solid furniture, anchored to the ground and made from noble materials, embodies both private and public power.
Jean-Michel Wilmotte is also an art lover and collector, collaborating with numerous artists such as César, Daniel Buren or Jean-Pierre Raynaud, notably in 1993 for the Café Richelieu at the Louvre Museum. As part of the new culture of communication that emerged in the '80s, he pays close attention to image. His shoots were signed by renowned photographers such as Robert César and Keiichi Tahara, and give rise to images that transcend simple furniture photography.
In 1986, in addition to a design office, he set up an exhibition space in Tokyo. For the Bunkamura, huge cultural center in Shibuya in Tokyo, Wilmotte designed a replica of famous Parisian café les Deux-Magots adapting the Palais Royal chair to Japanese standards. The adventure was brought to a screeching halt in 1995 by the Kobe earthquake. Feeling that he had done his work in the fields of design and decoration, he started building in Tokyo in 1989. He took his equivalence exam in 1993 and qualified as an architect. From then, architecture took precedence over design and marked the end of Academy.
However, Wilmotte has never ceased to design furniture for private and public projects, either through his own agency or via furniture makers. Six designers are still working full time in his studio. The Palmer, Attila, Washington and Elysée collections are now part of French furniture history, and some have already joined the collections of national museums.
Throughout his career, his work as an interior designer and then as an architect has enabled him to design furniture for complete projects, from the façade to the door handle. This global approach is reminiscent of the work of another Jean-Michel, Jean-Michel Frank.
Although he is now part of the “Academie des Beaux Arts” and considered as one of the great contemporary architects, Jean-Michel Wilmotte's importance in the aesthetic revolution of the 80s is undeniable, and worth discovering or rediscovering today.
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Jean-Michel Wilmotte, Console Elysée, Ca. 1983
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Jean-Michel Wilmotte, Cendrier, Ca. 1985
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Jean-Michel Wilmotte, Vase, Ca. 1993
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Jean-Michel Wilmotte, Horloge de table, Ca. 1989
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Jean-Michel Wilmotte, Prototype Chaise Sullivan 2, Ca. 1987
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Jean-Michel Wilmotte, Paire de chenets Firedog, Ca. 1987
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Jean-Michel Wilmotte, Console Attila, Ca. 1983
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Jean-Michel Wilmotte, Tabouret Elysée, Ca. 1983
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Jean-Michel Wilmotte, Paire de fauteuils Washington, Ca. 1985
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Jean-Michel Wilmotte, Commode Palmer à un tiroir, Ca. 1988
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Jean-Michel Wilmotte, Fauteuil BR 255, Ca. 1985
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Jean-Michel Wilmotte, Bureau Swann, Ca. 1986
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Jean-Michel Wilmotte, Table Nessus, Ca. 1977
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Jean-Michel Wilmotte, Fauteuil BR 255, Ca. 1985
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Jean-Michel Wilmotte, Paire de fauteuils Washington, Ca. 1985
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Jean-Michel Wilmotte, Console Attila, Ca. 1983
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Jean-Michel Wilmotte, Commode Palmer à deux tiroirs, Ca. 1988
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Jean-Michel Wilmotte, Chaise Compas, Ca. 1983
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Jean-Michel Wilmotte, Fauteuil visiteur Washington, Ca. 1984
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Jean-Michel Wilmotte, Console Washington, Ca. 1985
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Jean-Michel Wilmotte, Chaise Cylindre, Ca. 1983
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Jean-Michel Wilmotte, Table basse Étalon, Ca. 1987
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Jean-Michel Wilmotte, Commode Palmer à un tiroir, Ca. 1988