Arthur Lemonier s'adonne à peindre ce qui se loge dans la pudeur; la puralité de la vulnérabilité. L'artiste inspiré par le travail d'Otto Dix révèle pour la première fois ses œuvres hors de son atelier de St.Ouen, et expose une palette d'émotions trouvant subtilement une interprétation dans son regard.
Pour sa première exposition personnelle, Arthur Lemonier s’est inspiré de « la petite mort » pour représenter l’entre-deux dans lequel se trouve sa génération. Il expose une série de portraits figuratifs à la galerie Ketabi Bourdet. Désignant l’état post-orgasmique au XVIe siècle, « la petite mort » se transforme en « la petite morsure » le temps d’une exposition. « À cette époque on ne savait pas si les personnes étaient en train de mourir après un orgasme, c’était un instant d’incertitude dans l’ivresse, cet entre- deux entre le plaisir et la souffrance m’intéresse. » Sur chaque visage l’émotion se trouble, les rides d’expressions se tordent, les yeux se ferment ou s’affolent, est-ce le plaisir, la douleur, ou une prétendue menace ? « Quand les expressions faciales sont extrêmes, et ne sont pas forcément belles ni forcément laides, elles floutent l’émotion ressentie. On ne peut parfois pas différencier l’extase de l’agonie. »
Souhaitant jouer avec les préconceptions et ouvrir le dialogue sur l’identité, l’artiste autodidacte de 26 ans se photographie avant de peindre chaque toile. « Il m’est arrivé de fixer le soleil pendant quelques secondes et, presque aveuglé, je me suis aperçu que mon émotion était proche de celle d’un orgasme. Plus généralement, j’utilise mon corps et la versatilité que nous avons tous comme moyen de création et parler de l’inconstance de nos sentiments ». Les couleurs acryliques semblent s’agripper aux visages tels des masques qui ne demandent qu’à être découverts. Le rose charnel s’évade de la peau quand le bleu se plisse sous une grimace, les couleurs vives choisies par l’artiste placent les personnages comme venus d’un autre monde. « Dans la communauté queer nous sommes parfois vus comme des aliens. Je puise dans l’expérience androgyne une créativité qui me permet de déstabiliser les perceptions. Ainsi, j’expérimente les couleurs pour donner un aspect dénaturé ou fantomatique à un visage. »
PLUS PRÈS ENCORE
Pour ne laisser exister que l’émotion, Arthur Lemonier choisit de les zoomer à l’extrême, elles débordent du cadre et s’exposent pleinement sous notre regard. « Le cadrage en gros plan me permet de ne pas donner de limite aux visages, il n’y a pas de contour, pas de mâchoire. Les visages veulent occuper tout l’espace de la toile et imposer au spectateur une confrontation face à leur intimité. » Une œuvre se détache des autres sur les murs de la galerie par son grand format, un corps cette fois, sur fond apocalyptique : « une peur se dégage de mon art, elle raconte l’incertitude de l’avenir et questionne la place de la marginalité dans la société ». Un volcan en éruption se mêle à un éclair, alors que le personnage aux cheveux bleus se serre le corps avec sensualité. Ces énergies qui se fusionnent ne sont qu’une façon plus paysagiste qu’à Arthur Lemonier de nous montrer les extrêmes contraires et nous rappeler la violence du monde. Cet être androgyne aux sourcils froncés et lèvres entrouvertes prend-il du plaisir ou attend-il sagement sa fin ? À vous de trancher.
Jusqu’au 18 septembre à la galerie Ketabi Bourdet, 22 Passage Dauphine, 75006 Paris. Arthur Lemonier exposera également en octobre à Londres chez TM projects.
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