Le génie protéiforme de Guy de Rougemont

N. d'A., L'OBJET D'ART, 1 November 2024
C'est à la suite d'un reportage pour la revue Architectural Digest, en 2019, sur la maison de l'artiste à Marsillargues dans le Sud, que la journaliste et historienne de l’art américaine Gay Gassmann forme le projet d’écrire une monographie de Guy de Rougemont (1935 2021). Très bien illustré, le livre parcourt soixante ans de création de cet artiste pluridisciplinaire qui se définit lui-même comme « un peintre qui sculpte, dessine des meubles et fabrique toutes sortes de choses. » Marié à l’actrice Anne-Marie Deschodt,

 

« l’une des plus belles femmes de sa génération », Guy de Rougemont est un artiste dandy. « C’était un grand seigneur. Très vieille France, chic, bohème, germanopratin, mais aussi un rebelle. Il était également ambitieux et un excellent peintre », se souvient le galeriste Jean-Gabriel Mitterrand qui l’a bien connu. Éminemment libre, Rougemont se joue des frontières séparant art et arts appliqués. Après des études à l’École nationale des arts décoratifs, où il étudie dans l’atelier de Marcel Gromaire, il part pour New York au milieu des années 1960, alors que la ville est le centre du monde l’art. Là-bas, il rencontre Sol LeWitt, Donald Jude et Dan Flavin du courant minimaliste, mais aussi Andy Warhol qui l’initie à la sérigraphie. Il y forge son propre vocabulaire artistique ; se libérant de sa formation classique, il appréhende l’espace différemment. Rentré à Paris, il continue de peindre, et saisit bientôt l’opportunité d’inscrire son travail dans un lieu public, quand il est invité à créer une installation éphémère dans le hall d’exposition de Fiat sur les Champs- Élysées. Sa peinture entre alors dans la troisième dimension.

 

À partir de la fin des années 1960, Rougemont se concentre sur la ligne, la forme et devient un véritable " géomètre de la couleur ". Le cylindre se présente comme un motif récurrent ; ses colonnes et ses sculptures totems investissent progressivement les villes, jusqu’au Japon et en Équateur. Les commandes publiques affluent : en 1974, il habille de bandes multicolores les colonnes du péristyle du musée d’Art moderne de la Ville de Paris ; en 1977, il installe, dans une portion de 30 km bordant l’autoroute de l’Est, des cylindres, des sphères et des cubes colorés, l’œuvre a pour titre Environnement pour une autoroute ; en 1985, il décore le hall d’entrée du nouvel hôpital Saint-Louis à Paris et, l’année suivante, la salle des assises du tribunal de Bobigny. Il dessine encore le dallage du parvis du musée d’Orsay et un sol au ministère des Finances.

 

À côté des commandes publiques, le mondain Guy de Rougemont est sollicité par les plus grands décorateurs pour concevoir du mobilier, à l’instar de l’iconique table basse Nuage, éditée dans les années 1970 par Henri Samuel. Il dessine des pièces en céramique pour Limoges, Rosenthal, Gien, collabore avec un très grand nombre de fabricants et d’éditeurs, de la galerie Artcurial au Mobilier national. Élu en 1997 à l’Académie des beaux-arts, Guy de Rougement s’éteint en 2021 à Montpellier, non loin de sa maison de Marsillargues, à l’âge de 86 ans. 

 

Sous la direction de Gay Gassmann, avec des contributions de Jacques Grange, Pierre Passebon, Diane de Polignac, Julio le Parc, Adrien Goetz, Julie Goy et Hervé Lemoine, Guy de Rougemont, éditions Norma, 2024, bilingue français-anglais, 256 p., 75 €

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